Mutatis mutandis: Ce qui devait être changé ayant été changé

[ambroisepare]

Mutatis Mutandis*



*ce qui devait être changé ayant été changé


Come gather 'round people
Wherever you roam
And admit that the waters
Around you have grown
And accept it that soon
You'll be drenched to the bone.
If your time to you
Is worth savin'
Then you better start swimmin'
Or you'll sink like a stone
For the times they are a-changin'.

Bob Dylan



C'est le privilège de l'âge d'avoir la patience de calmer les ardeurs et de réfléchir pour mûrir une pensée. Dans ce monde moderne et sympathique des réseaux sociaux, on ne réfléchit guère mais on réagit au quart de tour, quitte à avoir une pensée contredite par sa propre vitesse.
Cependant, le FC Metz est en train de changer, en profondeur. A l 'orée d'une saison qui va s'avérer capitale compte tenu d'un contexte dont les dimensions sont insoupçonnées et sur lesquelles je reviendrai dans ma deuxième partie, je voudrais ici soulever trois points de réflexion et par là même confronter le passé au futur pour tâcher d'en dégager une réflexion que j'espère on voudra bien limiter à ma seule opinion.
Le premier point consiste en une forme de réhabilitation de Cartier, dont la saison catastrophique sur le plan sportif dessine une explication peut être un peu plus subtile que de simples errements tactiques.
En second point je reviendrai sur l'affaire des deux-trois montées, du cirque qui oppose Moustache aux vieux barbons de la FFF pour tenter de montrer le lien avec la politique de Bernard Serin.
Dans un troisième point conclusif, je me permettrai de mettre en perspective les différents éléments de langage d'un discours qui a le mérite de séduire beaucoup ici et d'en dévoiler les tenants sous-jacents.
Bref ça rigole plus, le foot, à Metz comme ailleurs et tel qu'on l'a connu est en train de crever...


Cartier le sacrifié


Déjà la pierre pense
où votre nom s'inscrit
Déjà vous n'êtes plus qu'un mot
d'or sur nos places
Déjà le souvenir de vos amours s'efface
Déjà vous n'êtes plus que pour avoir péri
Léo Ferré


Je n'ai jamais aimé les entraîneurs qui s'appuient sur l'assise défensive. Par nature et ayant été élevé au son des Artilleurs de Metz, je suis de cette génération platinienne des équipes panaches qui meurent dans les demi finales après avoir mené 3-1.
L'ADN du FC Metz, jusqu'à l'ère Muller, c'était l'attaquant vedette. En 1937, Bep Bakhuys, le plus grand footballeur hollandais de l'époque fut exclu de la ligue de son pays pour amateurisme marron, dans la nuit le staf du FC Metz prenait le train et le faisait signer au nez et à la barbe de tous les clubs d'Europe. Se souvient-on de Thadée Cisowski, extraordinaire attaquant, plus prolifique que Just Fontaine (et malheureusement blessé avant la coupe du monde de 1958) ? Il a joué au FC Metz où il enfilait buts sur buts... Qui se souvient de Diego Bessonart... l'uruguayen ? A lui seul il fit monter le FC Metz de deuxième à première division...en 1961, l'année de ma naissance. Puis vinrent Johnny Léonard, Braun et Curioni, Bocandé et tous ceux qui suivirent. L'ADN du FC Metz c'était, jusqu'à l'époque Muller, un jeu fondé sur l'attaque, avec un attaquant exotique et des joueurs du crû. L'ère Muller qui devait nous conduire à l'escroquerie mémorielle de 1998, fut une révolution. L'assise défensive, la solidité et la disparition d'un football spectaculaire au profit d'une efficacité calculatrice fut la première perte de « valeur » du FC Metz. Mais le football lui même avait évolué et la victoire en coupe du monde 1998 de la France reposait elle aussi sur cette révolution défensive.

Au sortir des affres de la période Bijotat- Pouliquen. Bernard Serin prend effectivement le pouvoir dans la maison FC Metz. Elle brûle. Elle est en National. Et surtout le divorce est consommé entre le public et l'équipe. En cas de crise profonde, le repli identitaire est parfois inévitable. On se recentre sur la formation,et on recrute un ancien. Albert Cartier. Au delà des réussites sportives, il réconcilie l'équipe avec ses supporters en s'appuyant sur un discours de valeurs. On retrouve le FC Metz de 1984, celui qui plongeait ses racines dans une sidérurgie moribonde et la vertu d'une race lorraine multi-éthnique et travailleuse, modeste et obstinée, avec cette grandeur qu'ont les humbles à réussir. Sa connaissance des symboles, des rituels parvient à redonner la fierté d'aimer ce club.

Le bilan catastrophique de la saison en élite, associée à cette croyance que nous appartiendrions de fait à la ligue 1 au bénéfice de l'âge (…) amène le forum dans sa presque totalité à conclure à l'incompétence de Cartier à ce niveau. Les faits donnent raison à l'analyse. Cependant, le temps passant, à lire par ici ou là, à écouter, à analyser et à prendre en compte certaines révélations chuchotées dans l'entourage du club on finit par dresser un tableau plus nuancé. Et à présent que s'est mis en place un nouveau staff et une nouvelle philosophie on peut dresser un portrait moins sévère de l'échec de Cartier.

On y découvre un homme isolé en terme d'influence décisionnelle, auquel on a retiré le contrôle partiel du recrutement, qui va souffrir d'une gestion humaine de son groupe catastrophique. Car il semble bien, et tout ce que j'entends ne cesse de le confirmer, qu'une partie des « errements tactiques » soient consécutifs à des sanctions à l'encontre de certains joueurs dont le comportement a trahi la cohésion de groupe qui a fait la force des deux montées consécutives et sur laquelle Cartier a tant insisté lors de sa dernière conférence de presse en ligue 2.
Entre mise à l'écart de joueur (Kashi, Carrasso, Mfa) repentir à peine voilés (Yéni....) il y a bien eu un problème de gestion de groupe, dont les intérêts, ligue 1 aidant, ne se sont plus montrés aussi solidaires que dans l'exaltation des montées.

Enfin et concomitamment, un autre combat, celui de l'influence décisionnelle, a été perdu par Cartier, trahi par tous, abandonné jusqu'à ses propres adjoints, au sein du club. Cartier a été nécessaire et soutenu tant qu'on a monté les échelons. Au premier faux pas il a servi de fusible commode permettant ainsi à un réseau nouveau de se mettre en place. Avec comme sémantique essentielle la destruction du discours de Cartier et ses valeurs historiques, au profit de la promesse du jeu. Et de la dispartion de la notion de génération issue du centre de formation pour un orientation cosmopolite au gré des circonstances et des réseaux.

Oui, Cartier disparu, c'est une conception de valeur qui disparaît au profit d'une autre plus en adéquation avec le projet du football français, et des rêves de Moustache...


Moustache rêve de NBA

Il faut la raser
il faut la raser
il faut raser la moustache de Thiriez
chant populaire du XXIeme siècle


La lutte acharnée que se livrent FFF et LFP ne se réduit pas à deux ou trois montées-descentes. L'enjeu dépasse de beaucoup cette simple anecdote. Elle est surtout symptomatique d'une opposition entre la pérennisation financière et le sportif.
La FFF, c'est l'adn du football français historique. Celui d'un sport au DEPART amateur et qui a toujours considéré avec envie et distance le professionnalisme. En clair, l'esprit olympique contre
l'argent. Le souci, cest que la LFP contribue au financement de la FFF. Les droits télés assurent au football professionnel un revenu stable, même si la menace de renégociations demeure, à un niveau permettant la survie du système. La création, illusoire, nous le savons tous ici, d'un gendarme financier, la DNCG ^^, donne l'illusion d'un cohérence. Sauf que. Le sportif, tel qu'il structure l'ensemble du football français est un obstacle à l'élite. Il suffit de comparer la coupe de France, pur produit sportif, pur FFF, à la coupe de la ligue pur produit LFP. Dans le premier cas Luzenac peut éliminer le PSG, sur un match, sur un exploit SPORTIF. Dans le second cas, il ne joue même pas cette compétition. Contrairement à Lens par exemple qui lui, la joue. On m'aura compris.

Ce que veux Moustache, c'est à travers la réduction des montées et descentes la stabilité financière de l'élite. Il sait à juste titre que les descentes entraînent les clubs frappés dans des difficultés financières qui fragilisent un édifice déjà chancelant. Son projet est dans la logique de diminution des risques financiers par la soumission de l'aspect même du risque : le sportif. Le football tout entier suit cette logique. Les plus jeunes d'entre vous ne se souviennent sans doute pas qu'avant, la ligue des champions s’appelait la coupe d’Europe et se jouait à élimination sur deux matches aller retour...
En fait, si je parle de NBA, je parle de système de franchise. 20 clubs de ligue. Payant un droit de jouer sous couvert de garanties financières de viabilité.. Des droits télés répartis, des limitations de budget ( eh oui même les plus riches ont des limites ^^) et un système de draft. Une ligue2 devenant championnat de centre de formation où chaque année les clubs de l'élite viendraient se servir...

Science fiction ? Délire d'ambroiseparé ? Je vous laisse juge.

Pour y parvenir,à cette stabilité financière il faut un spectacle. D'abord sécurisé. Désolé les ultras mais je ne vous apprends rien en vous disant que vous devenez persona non grata. Vous êtes bruyants, grossiers, politisés et agressifs, certains d'entre vous sont violents, voire racistes. Voilà le portrait que l'on fait de vous, qu'on véhicule dans les médias. Ce discours sert à votre éradication programmée. On veut un public familial. Consommateurs. Comme au QSG. Ah, on me souffle dans l'oreillette que ce public siffle comme un seul homme quand l'équipe perd ? Bah tous des ingrats !

Dès lors, le fondement même de l'existence de supporters ultras, c'est l'identité et les valeurs. Où sont passé les ultras de manchester U ? ils sont partis supporter un petit club de banlieue. MU est coté en bourse.
Ce sont ces enjeux là qui sont en filigrane. Et si la question de l'identité agite le forum, et si le discours du FC Metz est en train de changer c'est parce que Serin sait qu'une place en ligue 1 est plus qu'un enjeu purement sportif, c'est une nécessité de fonctionnement. Dès lors il lui faut se conformer à la politique d'éradication des ultras pour les transformer en partenaires polis et obéissants, dans des instances inutiles où il feront figuration d'une famille paternaliste au sens capitaliste du mot. Et politique. Parce que si on dénie au public et singulièrement aux supporters les plus acharnés à l'amour du club la moindre possibilité de mettre en question la politique du club, c'est que les clubs de foot ne leur appartiennent plus. A moins du rêve autogestionnaire des socios du FC Barcelone .
Et ce discours repose sur des promesses, comme tout bon discours politique. Et on nous promets quoi ? Du jeu.



Le discours du FC Metz, ou la communication girouette ?

C'est etrange
Je n'sais pas ce qui m'arrive ce soir
Je te regarde comme pour la première fois
Encore des mots toujours des mots
Les mêmes mots
Je n'sais plus comme te dire
Rien que des mots
Mais tu es cette belle histoire d'amour
Que je ne cesserai jamais de lire
Des mots faciles des mots fragiles
C’était trop beau
Tu es d'hier et de demain
Bien trop beau
De toujours ma seule vérité
Mais c'est fini le temps des rêves
Les souvenirs se fanent aussi
Quand on les oublie
Dalida


Je souris quand Bernard Serin, dans une interview récente, parle d'errements tactiques en creusant le tombeau du défunt Cartier. Si on parlait de ses errements de discours.... Lui qui peine à réussir à atteindre son objectif de stabilisation du club dans l'élite, qui souffre de l'ombre tutélaire d'un Molinari au 35 saisons consécutives... Certes on me dira que le contexte était différent mais je rétorquerai qu 'on ne cesse de me bassiner avec une place légitime en ligue 1 que les statistiques récentes s'obstinent à contredire...
Or donc, nous voilà dans une révolution de palais. Finis la modestie du travail, les racines lorraines et ouvrières, exit le centre de formation comme noyau de la reconquête et l'appui sur les vertus défensives (soit dit en passant le seul élément de discours qui me fait lever l'esquisse d'un sourire d'espoir...)place au jeu mes amis !

Car à l'évidence c'est la cause de l'échec. Selon Serin. Il n'a pas tort. Il n'est sans doute pas étranger à l'impossibilité qu'à eue Cartier de le poser aussi. Mais du passé faisons table rase !
Le FC Metz nouveau est arrivé. Une ambition dans le jeu. Un réseau bien en place. Un recrutement cohérent. Quand je dis cohérent, je dis cohérent par rapport au réseau mis en place, dont il est issu. Fini les « choix du président »...

Tout ce petit monde là se connaît, se suit, se commissionne aussi, il faut bien vivre. Intégration au compte goutte des jeunes à prévoir, équipe type profondément remaniée à prévoir... et exigence d'efficacité demandée au plus tôt. Une sorte de FC Metz de la mondialisation.

Et le discours plaît. Sur le forum en tout cas. On salive. On applaudit à des matches nuls, et on minimise les défaites. Les conditions d'un état de grâce sont réunies. En cas de succès, les ultras en seront réduits à encourager, et le forum devra chercher les petites bêtes propres à contenter le besoin de contradiction maladif...


Sauf que je me permets ici d'oser la circonspection. Loin de moi le jugement à priori et condamnant. Je souhaite la réussite de MON club. Tant qu'il restera MON club. S'il devait devenir un QSG je ferai comme un ami, ultra du PSG, je résilierai mon abonnement pour cause de perte d'identité. Et elle est là bas totale... Et quand un joueur rate une balle, on siffle, on en n'a pas pour son argent....


En conclusion, je remercie ceux qui sont arrivés à cet endroit de la lecture.
Les enjeux de cette saison sont à remettre dans un contexte économico-sportif. Le FC Metz change, le football change. On peut avoir à cet égard la tristesse des nostalgies, ou la satisfaction de la modernisation d'une démarche. Chacun sait ici qu'on ne peut arrêter le cours d'une évolution. La victoire (provisoire... ?) de la FFF sur la LFP peut nous bercer de l'illusion que le sportif reste plus important que le financier. Dans le cas contraire, Bernard Serin fait ce qu'il faut pour qu'on accède à l'élite. A quel prix ? Qui pleurera la disparition des ultras, ces gens de rien, grossiers et malpolis, mais terriblement amoureux d'une couleur, d'un maillot, jusqu'aux sacrifices les plus absolus.
Qui pleurera la disparition de nos racines, ouvrières et modestes devenues folklore et muséifiées...

Personne. Il suffira de la réussite pour faire taire les nostalgiques. C'est toute l'amertume de mon billet.

Remarquez, si on échoue à monter, ptêt qu'on refera venir un ancien et que le discours des valeurs traditionnelles reviendra..... Imaginez Proment entraîneur du FC Metz ! Organisant une visite des joueurs à Neufchef pour leur montrer ce que faisaient nos pères, à nous les supporters ?


Science fiction ?

Oui pour le coup....

[Lolo34]

remarquable "post"
merci

[hurlf vkk]

Je ne suis pas d'accord si le club tombe en cfa je serai là si le club devait devenir comme le psg de même ça restera toujours le club que j'ai dans le coeur .

[vag'à bond]

Je ne suis pas d'accord si le club tombe en cfa je serai là si le club devait devenir comme le psg de même ça restera toujours le club que j'ai dans le coeur .

Comment peut on croire qu'on continuera a exister au niveau pro et plus particulièrement en L1 sans un minimum d'argent dans la caisse ? Si un repreneur tres riche et serieux venait investir dans le club, je serais heureux. On pourrait garder nos bon jeunes en plus. Enfin bref, pr reprendre la phrase d'ambroise : fiction ? pour le coup oui :)

[Mirri]

"Personne. Il suffira de la réussite pour faire taire les nostalgiques. C'est toute l'amertume de mon billet."

ambroise.....

[Berurier57]

CQFD ! J'ajouterais une raison plus conjoncturelle a cette fameuse volonté de jeu : l'exemple récent de Troyes qui est justement monté par ce moyen en L1... Petit apparté : dans ta BO, entre Dylan et Dalida tu ne risques pas le claquage de tympan ?

[arthur865]

Juste un passant sur le PSG mais c'est justement ceux qui connaissaient rien à son identité qui ont résilié leur abonnement. Hechter, Borelli puis Canal c'était les qataris de l'époque, un club monté de toute pièce, enfin bref c'est pas l'objet du post mais lire des trucs comme ça sur un club qui a que 40 ans d'histoire ça me fait toujours réagir.

[lio_]

A ajouter à la visite des sous-bois de Neufchef, des cours de chants anti-nanc**, a capella évidemment.

[afficionados]

, permets moi, de rectifier, juste un petit point de ton admirable post, Diego était du Paraguay. Merci beaucoup pour tout, vraiment.

[ambroisepare]

remarquable "post"
merci

Je "post" peu, j'essaie juste de m'appliquer un peu quand je le fais

Merci à toi