Il y a bientôt 160 ans, le football naissait

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Il y a bientôt 160 ans, le football naissait

Messagepar DCD » 07 févr. 2023, 16:16

Le texte ci-dessous a été rédigé par Kevin Quigagne sur le blog des Cahiers du football en octobre 2013, pour fêter l'anniversaire des 150 ans du football. Je me suis permis quelques petites modifications mais vous retrouverez le texte originale et imagé, ici :


https://cahiersdufootball.net/blogs/tee ... issait-12/

https://cahiersdufootball.net/blogs/tee ... issait-22/


1830-1848 : l’élite scolaire prend les rênes

Il s’était développé dès le XVIe siècle, parallèlement à la soule (appelée mob football ou folk football), un jeu de ballon perpétué avidement en Angleterre lors des Mardi Gras (Shrove Tuesday) et jours fériés, où les excès étaient de rigueur.

Toutefois, ce football menaçait de s’éteindre peu à peu et ce sont les universités et public schools, ces écoles privées réservées à l’élite et propriétaires de vastes domaines, qui reprennent le flambeau au milieu du XIXe siècle. On recense même un club créé en 1824 à l’université d’Edimbourg : The Foot-Ball Club. Fondé par un étudiant, John HOPE, il peut légitimement revendiquer le titre de premier club « structuré » au monde, même s’il n’exista que 17 ans. Un problème majeur se pose alors à ces jeunes gens élevés dans un esprit victorien très compétitif : chaque école a son propre code fluctuant, ce qui rend les rencontres interscolaires impossibles. La solution est donc d’adopter des règles communes à tous. Si le principe est simple, son application s’avéra autrement plus compliquée.

En parallèle, l’industrialisation effrénée du pays s’accompagne d’un changement radical des mentalités. A mesure que la société se civilise, elle tolère de moins en moins la brutalité de ce sport qui ressemble alors bien plus à du combat de rue, qu’au football. Les nombreuses pétitions qui exigeaient la disparition de la soule deux décennies auparavant « trop moyenâgeuse », sont remplacées par des voix s’élevant contre ce football sauvage pratiqué dans les public schools et universités.


1848 : les Cambridge Rules, ancêtres des lois du jeu

Le besoin d’uniformisation des règles se fait pressant et c’est de Cambridge que vont venir les prémices du salut. La célèbre cité universitaire est alors pionnière en matière sportive et une forme de football très viril est prisée des étudiants du cru depuis des centaines d’années. La légende locale veut que le notoire Oliver CROMWELL, ait été un brillant footballeur pendant son embryon d’études à Cambridge au début du XVIIè siècle. L’un des poumons verts de Cambridge est Parker’s Piece, une vaste étendue de dix hectares où se pratiquent toutes sortes d’activités depuis des siècles, parmi lesquelles le football occupe une place de choix.

Ce sont les dénommés Henry DE WINTON et John Charles THRING qui donnent les premiers l’impulsion pour une codification du football. En octobre 1848, au terme d’une réunion houleuse de huit heures à Trinity College, les Cambridge Rules sont établies par quatorze étudiants de l’université issus de cinq lycées huppés (Eton, Harrow, Rugby, Shrewsbury et Winchester), chacun défendant le bien-fondé des règles de son alma mater.

Ni tactique ni positionnement n’existait alors en Angleterre, au contraire de l’Ecosse, bien plus avancée dans ce domaine ; le modus operandi consistait le plus souvent à balancer le « ballon » (une vessie de bœuf ou de cochon) devant et courir en masse derrière. Quand un joueur parvenait à contrôler le ballon et filer vers le but, ses coéquipiers l’entouraient pour le protéger des brutalités. Eton College et Harrow, où le dribbling game a été développé, souhaitaient voir émerger un football moins primitif et violent, avec peu de jeu à la main et basé sur la conduite de balle (dribbling), mais pas encore sur la passe. Passer en avant était interdit et passer latéralement ou en arrière était rare. La passe n’arrivera véritablement en Angleterre qu’au début des années 1880 grâce aux Ecossais (même si quelques clubs anglais, tel que Sheffield FC, avaient réfléchi au problème) et en particulier grâce au club avant-gardiste de Queen’s Park FC de Glasgow, qui utilisa des dispositifs de jeu révolutionnaires dès la fin des années 1870, notamment le 2-3-5 et le jeu de passes.

Deux clans et philosophies de jeu s’opposent alors clairement : les anciens d’Eton College, partisans d’un football essentiellement pratiqué au pied (le dribbling game donc), et ceux de Rugby School, prestigieuse public school du centre du pays, défenseurs d’une version bien plus musclée du sport, un football où l’utilisation des mains est généralisée (le handling game), que la Rugby School codifia en août 1845, mais en interne seulement.

Dans le compromis quelque peu boiteux qui émerge, c’est la vision policée des ex Etonians qui s’est imposée. Ces règles introduisent notamment une sorte de touche, les passes en avant, le coup de pied de but et un principe qui pose un jalon fondamental dans l’évolution formative du football : l’interdiction de courir ballon en main.


1848-1862 : l’anarchie entraîne l’immobilisme

Las, en l’absence d’une instance nationale une grande confusion règne et les Cambridge Rules tombent vite en désuétude, chaque établissement préférant conserver ses traditions, forcément meilleures que celles du voisin. Parfois comme à Rugby School, les règles varient même d’une classe ou d’un groupe d’âge à l’autre.

Certaines pratiques en vigueur sont déroutantes et l’inexistence d’un semblant de norme est problématique, même le ballon peut considérablement varier d’un endroit à l’autre (taille, poids ou même forme). A Winchester School, les deux poteaux de buts doivent obligatoirement être des joueurs. A Charterhouse School, les cloîtres servent de terrain et les piliers de buts. A Eton, Nottingham et autour de Sheffield, on peut inscrire un « rouge » (le terme vient du hockey sur gazon alors à la mode), un croisement complexe entre essai de rugby, corner et but (tout en sachant que le but peut s’étendre sur toute la largeur du terrain !).

Force est de constater que la période 1848-1862, après avoir beaucoup promis, a engendré l’immobilisme, voire la régression (les débats animés ayant ravivé quelques vieilles rancœurs et fait naître de nouvelles). Un facteur explique cette inertie : les rapports entre écoles sont sous-tendus par de profonds préjugés et antagonismes. Eton prend Rugby de haut et considère leur rugueux football comme « vulgaire », tandis que Rugby juge celui d’Eton « efféminé ». Un snobisme de caste envenime les relations entre établissements. Les plus historiques et prestigieux, tels Eton ou Westminster, voient d’un mauvais œil l’ascension d’écoles récemment créées qui, conjecturent-ils, cherchent simplement se faire un nom. Certains membres de la vieille garde refusent même d’affronter ces « arrivistes », ne considérant pas cet adversaire comme « de vrais gentlemen ». Ces rivalités hautaines et stériles vont stopper la progression du football, au moment où l’élaboration des Cambridge Rules aurait dû le faire décoller.


1862 : les prémices du schisme entre football et rugby

La standardisation des règles s’annonce d’autant plus difficile que dans un reflet de la révolution industrielle, de robustes régionalismes apparaissent, surtout dans le nord du pays à la fois berceau de cette révolution et de l’essor du football.

En octobre 1858, les Sheffield Rules sont créées (officiellement nommées Rules, Regulations & Laws of the Sheffield Foot-Ball Club). Inspirées des Cambridge Rule, elles seront progressivement modifiées et utilisées dans un vaste rayon autour de Sheffield jusqu’en 1877, coexistant avec les règles établies par la Football Association en 1863. En mars 1867, Sheffield créera même sa propre fédération, la Sheffield Football Association, mais rentrera dans le rang dix ans plus tard.

En 1862, une version réactualisée des Cambridge Rules est élaborée par… John Charles THRING, le principal co-initiateur des Cambridge Rules 1848 et désormais enseignant à Uppingham School, une école progressiste qui a épousé avec enthousiasme les idéaux victoriens d’effort physique salutaire pour le corps et l’esprit. L’activité sportive devenue synonyme d’ordre et de discipline est alors en vogue mais doit désormais s’exercer dans un cadre structurant (c’est l’ère de la « masculinité victorienne »).

Ces nouvelles Uppingham Rules, appelées également The Simplest Game et similaires aux Cambridge Rules, réitèrent plusieurs points essentiels de 1848 en restreignant leur portée : l’interdiction de faire des crocs-en-jambe, de mettre des coups et d’utiliser ses mains hormis pour arrêter le ballon et le poser devant soi avant de continuer l’action. Les footballeurs qui militent pour un football rentre-dedans, accusent le coup.

La situation semble donc se débloquer et c’est cette période favorable que choisit un certain Ebenezer Cobb MORLEY pour entrer en jeu. Mais pour convaincre les footeux pro-Rugby que leur version du sport est moche et archaïque, ce bon Ebenezer va devoir entrer tête la première dans la mêlée…


1863, an zéro : naissance de la FA et des premières Lois du jeu

Ebenezer Cobb MORLEY est un avocat de 32 ans et un joueur émérite. En tant que président et capitaine du club londonien de Barnes, il a contacté l’hebdomadaire sportif Bell’s Life pour suggérer la création d’une instance dirigeante et proposer de nouvelles règles destinées à sortir le football de l’ornière. Il met en exergue le succès de la codification du cricket un siècle plus tôt, ainsi que celle du baseball. Le journal approuve l’initiative et lui prête son concours.

Entre-temps, nos amis de Cambridge University (qui ne lâchent pas facilement le morceau !) ont fait publier dans la presse une troisième proposition des règles du jeu. C’est donc la cinquième codification depuis la première en 1848 (Cambridge 1848, Cambridge 1856, Sheffield 1858, Uppingham 1862 et Cambridge 1863) et s’inscrit dans cette filiation qui a abouti à l’élaboration des Lois du jeu d’aujourd’hui.

Arthur PEMBER, journaliste et avant-centre du club londonien de No Name Kilburn s’associe à la démarche de MORLEY. C’est ainsi que le 26 octobre 1863, les représentants et capitaines de huit clubs et trois écoles (dont seul le club amateur londonien du Civil Service FC alors appelé War Office existe toujours), tous londoniens ou proche région, se réunissent au Freemasons’ Tavern près de Covent Garden à Londres (réunion appelée « The Meeting of Captains ») pour enfin, arrêter officiellement quelques règles communes. Avant toute chose, il faut créer une instance et c’est PEMBER qui devient le premier Président de la Football Association (MORLEY est nommé Secrétaire général), puisque telle est la dénomination choisie.

Les lois du jeu ne seront pas discutées lors de cette première réunion, qui se borne à créer la fédération ainsi que ses statuts intérieurs, les 9 « Rules of the Football Association » (seule fédération qui ne précise pas sa nationalité car première du genre, on était alors loin de se douter que 208 autres suivraient !). La terminologie du jeu est aussi clairement définie (place kick, fair catch, hacking, free kick, tripping, etc.).

Cette création est ainsi justifiée par le comité :

« Il est souhaitable qu’une fédération de football soit formée avec pour but l’élaboration d’un ensemble de règles destinées à réguler ce sport. »

La partie semble bien entamée pour MORLEY et PEMBER, ardents défenseurs du dribbling game popularisé par Eton College, mais il va falloir convaincre la frange dure des acteurs présents, le petit groupe mené par Francis Maule CAMPBELL, capitaine du club londonien de Blackheath FC. Ce dernier est partisan d’un football « rugbystique » et rejette la version molle du sport voulu par le clan MORLEY-PEMBER, version qui limiterait sérieusement toute brutalité ainsi que l’usage des mains et bannirait le hacking (ou shinning), ce vicieux coup de savate au tibia.

La bataille s’annonce coriace et l’on sait déjà que ce premier meeting en appellera d’autres. Au fil des débats qui dureront six semaines, quelques concessions seront faites au clan CAMPBELL (le football reste un sport hybride) mais c’est le tandem MORLEY-PEMBER qui sortira largement victorieux des négociations et provoquera le grand schisme entre football et rugby.

Lors des six réunions tenues du 26 octobre au 8 décembre 1863, le comité va peaufiner le règlement pour finalement adopter, à 13 voix contre 4, les treize règles suivantes (alors surnommées les London Rules) qui ont pour source les brouillons d’Ebenezer COBB MORLEY, eux-mêmes inspirés des Cambridge Rules.

Règle 1 : « La longueur maximale du terrain doit être de 200 yards (183 m), la largeur maximale de 100 yards (91,5 m), la longueur et la largeur doivent être délimitées par des drapeaux. Les buts sont signalés par deux montants verticaux, espacés de 8 yards (7,32 m), sans être reliés par une bande ou barre. »
Règle 2 : « Le vainqueur du tirage au sort peut choisir ses buts. Le match commence lorsque l’équipe ayant perdu ce tirage donne un « place kick » (sorte de remise en jeu) du centre du terrain. L’équipe adverse ne doit pas s’approcher à moins de 10 yards (9,15 m) du ballon jusqu’au coup d’envoi. »
Règle 3 : « Après tout but inscrit, l’équipe perdante doit donner le coup d’envoi. Les équipes doivent changer de camp après chaque but inscrit. »
Règle 4 : « Un but est validé lorsque le ballon passe entre les poteaux, ou au-dessus de l’espace entre les poteaux (quelle que soit sa hauteur), sans y avoir été jeté, poussé ou porté avec les mains. »
Règle 5 : « Quand le ballon sort de l’aire de jeu, le premier joueur à le récupérer doit le remettre en jeu depuis l’endroit où le ballon est sorti et le lancer perpendiculairement à la ligne de touche. Le ballon n’est pas en jeu tant qu’il n’a pas touché le sol. »
Règle 6 : « Quand un joueur tape dans le ballon, tout coéquipier se trouvant plus près de la ligne de but adverse que lui est hors-jeu : il ne doit ni toucher le ballon ni empêcher un adversaire de le toucher. En revanche, aucun joueur n’est hors-jeu quand le ballon est remis en jeu de derrière la ligne de but. »
Règle 7 : « Quand le ballon sort au-delà de la ligne de but, si le premier joueur à le toucher est un joueur de l’équipe qui défend ce but, alors l’équipe obtient à un coup-franc depuis la ligne de but, au point opposé de l’endroit où le ballon a été touché. Si le premier joueur à toucher le ballon est un joueur de l’équipe adverse, alors son équipe obtient un coup-franc d’une distance de 15 yards de la ligne de but, au point opposé de l’endroit où le ballon a été touché. Dans ce dernier cas, les joueurs de l’équipe adverse doivent rester sur leur ligne de but et attendre l’exécution du coup-franc. »
Règle 8 : « Si un joueur réussit un fair catch, il obtient alors un coup-franc, mais seulement s’il marque le sol avec son talon immédiatement. Dans ce cas, il peut prendre autant d’élan qu’il le souhaite, sans qu’un joueur adversaire ne vienne le gêner. »
Règle 9 : « Aucun joueur n’a le droit de courir avec le ballon en main. »
Règle 10 : « Ni croche-pied ni coup de pied ne sont permis, et il est interdit d’utiliser ses mains pour retenir ou pousser un adversaire. »
Règle 11 : « Il est interdit à tout joueur de lancer ou passer le ballon à un coéquipier avec ses mains. »
Règle 12 : « Il est formellement interdit de ramasser le ballon avec ses mains tant qu’il est en jeu. »
Règle 13 : « Il est interdit de porter des chaussures avec clous protubérants, plaques de fer ou gutta-percha (sorte de caoutchouc/résine très dur, rarement utilisé aujourd’hui) sur la semelle ou le talon. »

Le reste des règles, telles que la durée du match, les sanctions à appliquer ou le nombre de joueurs par équipe, est laissée à l’appréciation des deux capitaines avant le match (même si des conventions vont rapidement s’établir, le jeu à onze va vite s’imposer par exemple).


Forte évolution des Lois du jeu de 1863 à 1900

Ces règles civilisées pour l’époque (« Le triomphe de l’adresse sur la force », dira l’un des membres fondateurs), déplaisent fortement aux pro-Rugby menés par CAMPBELL de Blackheath FC. L’un des points de contention majeurs est le hacking (ou shinning) que le clan CAMPBELL voudrait ardemment conserver et qui, protestent-ils, figurait dans le brouillon de règlement établi par ce bon Ebenezer ainsi que dans les points acquis au cours des débats (ce point crucial n’aurait été changé que sur le tard, rendant les pro-rugby furieux). CAMPBELL s’insurge :

« Le coup de savate au tibia est un aspect essentiel du vrai football. Si vous l’enlevez des règles, alors vous éliminerez de ce sport toute notion de courage et de bravoure. »

Les dirigeants de Blackheath FC en minorité, s’inclineront, et avec une vingtaine d’autres clubs iront créer leur propre sport : le rugby (la Rugby Football Union sera fondée en 1871).

Par conséquent, au cours des réunions suivantes de la Football Association, il sera décidé que son nouveau sport s’appellera officiellement « Football Association » afin de le différencier de sa forme la plus dure nommée « Football Rugby », ainsi que de toutes autres formes de « Football » qui conservent le jeu de ballon hybride main et pied, reliquats des années 1840 (comme pratiqué de 1872 à 1895 par le Havre Athlétique Club).

Après vingt ans d’atermoiements, plus de temps à perdre et le premier match disputé suivant les nouvelles règles se déroule onze jours après l’établissement des Lois du jeu, le 19 décembre 1863 : 0-0 entre Richmond et Barnes, le club d’Ebenezer COBB MORLEY, qui dispute le match.

Ces nouvelles règles stimulèrent l’esprit compétitif et nombre de clubs se créa dans la foulée. Parmi les plus connus : Notts County en 1862 (mais date très controversée, décembre 1864 selon Keith WARSOP, historien des Magpies), Stoke City 1863, Wrexham FC 1864, Nottingham Forest 1865, Chesterfield FC 1866, Sheffield Wednesday 1867.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle les modifications et ajouts seront nombreux, l'International Football Association Board étant seulement créé en 1882. Parmi les plus significatifs :

– 1865 : une bande/corde doit être installée entre les deux poteaux, à une hauteur de 8 pieds (2,44 m). La barre transversale, d’abord en bois, ne se généralisera qu’à partir du début des années 1880 (rendue obligatoire en 1882). Avant 1863, si la longueur avait déjà été fixée à huit yards, aucune hauteur n’était spécifiée !
– 1866 : la passe vers l’avant est autorisée et un véritable hors-jeu est introduit : un joueur est désormais hors-jeu s’il y a moins de trois joueurs entre lui et la ligne de but adverse. Ce bouleversement va favoriser le lent essor d’un embryon de jeu de passe, technique alors inexistante.
– 1867 : le nombre de joueurs est fixé à 11 par équipe, comme au Cricket. De nombreux clubs de Football Association ont été fondés par des joueurs de Cricket (comme Sheffield FC), qui s’ennuyaient l’hiver venu puisque le cricket ne se pratique que d’avril à septembre en Angleterre. Or, si le cricket adopta 11 joueurs à la fin du XVIIIe, c’était peut-être dû à l’organisation des dortoirs et des chambrées des public schools, qui contenaient généralement que 11 lits.
– 1869 : le coup de pied de but (goal kick) est introduit, mais comme le marquage du terrain n’existe pas encore, on place le ballon un peu vaguement devant le but. Ce n’est qu’en 1891 qu’un marquage clair est introduit et il faudra attendre 1902 pour voir apparaître un marquage tel qu’on le connaît aujourd’hui, avec l’ajout du « D » à la surface de réparation en 1937.
– 1871 : la position de gardien est officiellement reconnue par la FA et lui seul peut désormais toucher le ballon avec les mains.
– 1872 : le corner (semblable à aujourd’hui) remplace celui exécuté jusqu’alors comme un coup-franc et tiré à 15 yards de la ligne de but, là où le ballon était sorti.
– 1873 : la règle du hors-jeu est modifiée et il est désormais signalé au départ du ballon et non plus à son arrivée.
– 1874 : Sam WIDDOWSON, joueur de cricket et footballeur, invente les protège-tibias,qui rentreront dans les lois du jeu bien plus tard (accessoirement, ce futur international anglais et arbitre développa aussi la formation 2-3-5 écossaise, dite « pyramide » ; ce sera le dispositif standard des années 1890 à la Seconde guerre mondiale, avec quelques variantes parfois).
– 1877 : la durée de match est fixée à 90 minutes.
– 1878 : l’arbitre peut utiliser un sifflet. Avant, c’était armé d’un mouchoir blanc qu’il tentait de se signaler aux joueurs.
– 1891 : la direction du match par un seul arbitre officiel de terrain devient obligatoire et la fonction de juge de ligne est créée (la présence d’un umpire (nom emprunté au cricket) était cependant habituelle depuis les années 1870, c’était même souvent deux arbitres qui se partageaient le terrain, avec parfois un arbitre « général » sur la ligne de touche. Avant 1885, le football était amateur et en l’absence d’un arbitre, c’est souvent le fair-play cher aux Victoriens qui prévalait. Le cas échéant, les deux capitaines tranchaient.
– 1891 : le pénalty, sans doute emprunté au rugby, est introduit en juin après un incident lors d’un quart de finale de FA Cup. Un coup-franc fut accordé sur la ligne de but, que le gardien bloqua évidemment facilement. Cet incident déclencha une telle controverse que les lois du jeu furent changées. Le tireur pouvait alors tirer de n’importe où sur la ligne des 12 yards et toucher le ballon plusieurs fois (beaucoup s’avançaient vers le but et fusillaient le gardien à bout portant). Un an plus tard, il fût interdit au tireur de toucher le ballon une seconde fois.
– 1891 : les filets de but sont rendus obligatoires en septembre après des essais concluants la saison précédente. Le premier joueur à les faire trembler en match officiel est Fred GEARY d’Everton (le premier grand avant-centre Toffee) contre Notts County en janvier 1892.
– 1891 : le temps additionnel est introduit, après un incident lors d’un Aston Villa-Stoke City. A l’avant-dernière minute du match, alors que Villa mène 1-0, l’arbitre accord un pénalty à Stoke. Le gardien de Villa balance alors le (seul) ballon hors du stade pour empêcher les adversaires de le récupérer à temps. Stratagème réussi, l’arbitre est obligé de siffler la fin du match à la 90e minute. Cet acte antisportif fut considéré comme une injustice terrible et les règles furent modifiées.


Si les lois du jeu ont bien changé depuis 1863, il n’en reste pas moins que l’élan insufflé par quelques mordus a largement façonné le football moderne. Un sport qui mit cinquante ans avant de décoller et ne prit son envol que grâce à un livret de dix pages vendu 1 shilling et 6 pence. Un minuscule bouquin à 7 centimes d’euros qui changea notre monde.

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Re: Il y a bientôt 160 ans, le football naissait

Messagepar DCD » 09 févr. 2023, 11:59

Et du coup, j'ajoute le célèbre article de Géo DUHAMEL paru dans l'Almanach du Football de 1946 :

Ces lignes furent écrites en octobre 1941. Il fallait célébrer le cinquantenaire du football dans notre pays. Hélas ! à cette époque où était alors la liberté ? la censure veillait! Nous les reproduisons donc dans leur intégralité. Il importait qu'elles parussent.

1891, c'est le premier Bordeaux-Paris cycliste avec MILLS et le premier Paris-Brest et retour avec Charles TERRONT. Mais c'est surtout pour nous, footballeurs l'apparition du football à Paris.
A la fin du mois d'octobre 1891, le journal « Les Sports Athlétiques » dont le premier numéro porte la date du 5 avril 1890 et qui était alors l'organe officiel de la jeune Union des Sociétés Françaises des Sports Athlétiques annonçait, à huit jours d'intervalle la création à Paris de deux clubs anglais qui allaient pratiquer le football. Mais il ne s'agissait pas de football-rugby !
Il y a cinquante ans !
Il importait donc d 'attirer l'attention des innombrables footballeurs de France sur cette date qui marque une ère, faut-il écrire ... historique ? C'est de cette époque en effet que commence le grand mouvement qui devait porter la jeunesse française d'un si intense élan vers la pratique du Sport universel du football.
Si, en octobre 1891 on pouvait compter une trentaine de joueurs indépendants, la FFF au 1er mai 1939 enregistrait sur ses contrôles 188 664 licenciés. Or, il n'est pas exagéré de supposer que ce nombre pourrait être doublé du fait des non licenciés qui « tapaient » dans un ballon et des joueurs appartenant à d'autres Fédérations : Fédération des Patronages ; Fédération Sportive du Travail ; Union Française des Œuvres Laïques d'EP ; Fédération Française des Sports athlétiques.
Quelle progression !
Puisque je fus un des premiers atteints par la contagion (mars 1892), il y a cinquante ans hélas ! Qu'il me soit permis de donner quelques précisions sur la naissance de ces deux clubs, nos initiateurs. Que notre pensée reconnaissante se reporte pour quelques instants vers cette époque et vers ceux qui accomplirent un si bel apostolat !

Le premier club, The White Rovers FC dont le terrain de jeu fut situé sur la plaine de Bécon-les-Bruyères, en face de la nouvelle gare de ce nom, fut fondé par Jack WOOD. Jack arrivait de Londres où, dès 1881 il avait joué dans la société Robin Hood, qui devait gagner en 1893 la Coupe Juniors du comité de Middlesex. Pourquoi White Rovers ? Il faut se rappeler qu'en avril 1891 Blackburn Rovers avait gagné la Coupe d'Angleterre conservant ainsi le trophée déjà gagné en 1890. C'était le club vedette du moment. Or, après les noirs, les blancs et tout naturellement les White Rovers.
Jack WOOD trouva à Paris d'excellents éléments. MAC BAIN, COX, COTTON, THOMAS, BOLTON, RIVAZ, CHRISTY, NEWTON, SMITH, son frère Sid WOOD pour constituer une très forte équipe qui malheureusement fut dissoute en 1898.
Le second club était le Gordon FC d'où devait naître en mars 1892, le Standard Athletic Club. En prenant ce titre les frères WYNN, TOMALIN, ATRIL, les frères TUMMER, HICKS, NORRIS, avaient voulu honorer la mémoire du général GORDON tué peu auparavant devant Karthoum au Soudan égyptien.
Le terrain du Gordon FC fut celui des Francs-Tireurs, un club d'athlétisme qui eut son heure de gloire. Il était situé Boulevard Lannes, en face de la gare de la porte Dauphine, maintenant Avenue Foch, là où s'élevait alors le bastion 45 et où débouche le tunnel passant sous l'avenue du bois.
Il fallut cependant attendre le 11 décembre 1892 pour que les deux clubs puissent se rencontrer à Bécon. Les White Rovers gagnèrent alors par 5 buts à 1. Le premier match à Paris avait eu lieu le 12 mars 1892, toujours à Bécon alors que les Rovers disposaient aisément et par 10 buts à 1 des scolaires de l'international Athletic Club.

Est-ce à dire que l'on n'avait jamais joué au football en France avant octobre 1891 ? Non pas, mais les efforts furent dispersés ; il n'y eut jamais solution de continuité et jamais une rencontre entre deux équipes de clubs n'avait eu lieu. C'est le double mouvement des White Rovers et du Standard qu'il faut considérer comme point de départ. Ces novateurs firent des proselytes. Dès 1892, le Club Français, le Stade de Neuilly au Bois de
Boulogne suivirent le Standard. A Bécon, près des Rovers, ce fut le Cercle pédestre d'Asnières ; puis vinrent le United Sports Club ; le Football Club de Levallois , le Paris Star. Le jeu était lancé !
Mais il serait injuste en fixant cette date du Cinquantenaire de passer sous silence les efforts qui avaient été faits précédemment pour pratiquer
le football et de ne pas rendre l'hommage qui est dû aux précurseurs isolés. Leurs gestes sont intéressants à connaître .

Le jeu de balle est vieux comme le monde ! Suivant les régions françaises qu'il se soit appelé Choûle, Soûle, Barette ou Melle, il n'avait rien de commun avec notre football.
En 1698, MISSON dans ses mémoires appelle le jeu de ballon un exercice utile, charmant qu'il décrivait ainsi : « C'est un ballon de cuir, gros comme la tête et rempli de vent. Cela se ballotte avec le pied dans les rues par celui qui le peut attraper. Il n'y a pas d'autre science. »
J'emprunte cette citation à l'excellent et instructif programme souvenir édité par le Havre Athletic Club en 1932 à l'occasion des fêtes de son soixantenaire auxquelles j'ai eu l'honneur de prendre une part active.
En effet, le papier à lettre du Havre AC porte l'en-tête suivant : « Fondé en 1872 ». Mais, alors ?
Continuons à puiser dans le programme précité ; nous apprendrons que le début de l'existence du Havre AC est marqué par une période de plusieurs années qui fut en quelque sorte officieuse, période héroïque des premiers footballeurs qui, sans adversaires (puisqu'ils étaient seuls en France à pratiquer ce sport) se contentaient de jouer entre eux.
La plupart du temps (pour ne pas dire toujours) l'entraînement réunissait tout au plus une douzaine de joueurs ce qui faisait de bien modestes équipes. On courait un peu plus afin de se donner l'illusion d'être au complet. Il est vrai que le terrain n'avait peut-être pas les dimensions réglementaires. En traversant la Manche le code du ballon rond avait perdu toute sévérité !
Bien que dès le début il se soit trouvé quelques havrais, le plus grand nombre de joueurs étaient Anglais. Ne laissons pas dans l'oubli les noms
de quelques pratiquants d'alors : W-R LANGSTAFF dont le Stade de Sanvic porte le nom ; M. GABAIN.
Quoi qu'il en soit, ce n'est que le 20 décembre 1884 que le club fut définitivement organisé. Le Révérend J. E. ORLEBAR fut appelé à la présidence. Une grave question se posait à ce moment. Quel football pratiquerait-on ? Il se trouvait en effet à cette époque trois espèces de football qui avaient leurs partisans : l'association et le rugby tout d'abord, puis la « combination » sorte de mixture bizarre des deux autres.
Le 18 novembre 1884, l'Assemblée Générale réunissant vingt-quatre membres eut à se prononcer sur ce point capital. Douze voix allaient
à la« combination » ; dix au football et deux au rugby. La « combination » fut donc adoptée.
Mais son règne fut de courte durée et l'on en vint à pratiquer le football purement et simplement, mais aussi en en prenant à son aise avec les règles ! Pourquoi se gêner puisque l'on était seul à pratiquer ?

En 1879, à Paris fut fondé le Paris Football Club où l'on pratiquait alternativement rugby et football sous le capitanat de M. KLEMPEN. Mais dans son isolement le club périclita pour disparaître en 1884.
Il faut attendre 1890 pour que des employés des maisons anglaises, Mamby et Nicole forment un groupement éphémère qui ne dura pas une saison : Paris Association Football Club pour bien différencier du rugby.
La même année une institution scolaire du 16e arrondissement constitua l'international AC, mais encore avec la pratique du rugby et du football.

C'est donc en octobre 1891 qu'il faut situer le point de départ du football en France !

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Re: Il y a bientôt 160 ans, le football naissait

Messagepar DCD » 03 mars 2023, 14:31

Extrait du numéro 5 de la revue des Cahiers du football.


1863. Création de la Football Association, qui codifie des règles communes.
1867. "Règle des trois joueurs" pour le hors-jeu.
1869. Coup de pied de but.
1872. Création du coup de pied de coin.
1877. Définition des dimensions des buts (7,32 x 2,44m) et de la durée du match (90 minutes).
1878. Première utilisation du sifflet.
1882. Rentrée de touche effectuée à deux mains.
1886. Naissance de l'International Football Association Board (Ifab).
1889. Apparition de l'avertissement (oral).
1891. Adoption du trio arbitral : un central, deux assistants.
1891. Penalty (tiré de n'importe où sur la ligne des 12 yards) et définition du gardien de but comme poste spécifique.
1891. Rond central.
1897. Définition des dimensions du terrain et limitation à onze du nombre de joueurs.
1897. Position de hors-jeu appréciée au moment de la passe du partenaire.
1902. Adoption des dimensions et des tracés actuels de la surface de réparation, dont le point de penalty.
1903. Possibilité de marquer directement sur un coup franc.
1903. Apparition de la clause de l'avantage.
1912. Interdiction pour le gardien de toucher le ballon de la main hors de sa surface.
1923. Interdiction de jouer à plus de onze joueurs par équipe.
1925. Ligne du hors-jeu désormais déterminée par le placement de l'avant-dernier défenseur.
1938. Adoption de la classification des 17 lois du jeu de Stanley Rous.
1939. Distinction entre coup franc direct et coup franc indirect.
1958. Autorisation du remplacement du gardien et d'un joueur de champ s'ils se blessent.
1967. Fin du conditionnement des remplacements à une blessure.
1970. Apparition des cartons jaune et rouge.
1970. Adoption des tirs aux buts pour désigner le vainqueur en cas d'égalité à la fin de la prolongation.
1972. Généralisation des deux remplacements autorisés.
1990. Protège-tibias obligatoires.
1990. L'attaquant n'est plus hors-jeu s'il se situe sur la même ligne que le défenseur.
1991. Quatrième arbitre.
1991. Anéantissement d'une occasion de but manifeste sanctionné d'une expulsion.
1992. Interdiction pour le gardien de prendre à la main un ballon botté délibérément par un coéquipier.
1994. Annonce du temps additionnel par le quatrième arbitreà la fin de chaque mi-temps.
1995. Mise à disposition de ballons supplémentaires autour du terrain.
1995. Généralisation des trois remplacements autorisés.
1997. Obligation, pour le gardien de but, de libérer le ballon six secondes après l'avoir capté.
1997. Temps additionnel systématiquement joué.
1998. Fautes d'antijeu sanctionnées par un avertissement, gestes dangereux par une expulsion.
1999. Simulations sanctionnées d'un carton jaune.
1999. Introduction du "multi-ball system".
2002. Obligation, pour un joueur blessé sérieusement, de quitter le terrain et d'être autorisé à y revenir.
2005. Adoption de la règle du hors-jeu passif.
2012. Autorisation de l'arbitrage à cinq et de la Goal Line Technology.
2018. Légalisation de la VAR.
2018. Autorisation d'un quatrième remplacement en prolongation.
2018. Le joueur remplacé doit sortir par le point des limites du terrain le plus proche de lui.
2020. Le coup de pied de but peut être adressé à un partenaire à l'intérieur de la surface de réparation.
2020. Autorisation provisoire des cinq remplacements.

Metzin
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Re: Il y a bientôt 160 ans, le football naissait

Messagepar Metzin » 19 mars 2023, 21:38

Très intéressant à lire, merci DCD !

2018. Le joueur remplacé doit sortir par le point des limites du terrain le plus proche de lui.

Pas l'impression que ce soit respecté... :mrgreen:


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