Droits télé : beIN Sports s'est placé sous la protection de la justice
Le diffuseur d'origine qatarienne s'est placé sous la protection de la justice pour échapper au paiement (332 millions d'euros) à la LFP des deux matches de L1 qu'il a sous-licencié à Canal +.
La nouvelle pourrait faire sourire si la situation du football français n'était pas si inquiétante. Ce vendredi, comme l'a révélé le site L'Équipe, on a appris que beIN Sports, le diffuseur contrôlé par des riches fonds qatariens, s'est placé sous la protection du tribunal de commerce de Nanterre. Comme Mediapro il y a presque un an et comme des dizaines de sociétés touchées par la crise et au bord du dépôt de bilan.
La raison de cette étonnante demande d'aide formulée à la justice française ? BeIN Sports, titulaire du lot 3 (2 matches, le samedi à 21h et le dimanche à 17h), acquis en mai 2018 (pour la période 2020-2024) au tarif de 332 millions d'euros annuels, n'a pas l'intention de régler l'addition si Canal+, à qui il a revendu ces rencontres à prix coûtant, ne lui avance pas l'argent.
Yousef al-Obaidly, le président de beIN Sports France et directeur général de beIN Media Group, l'a annoncé, hier, à ses collaborateurs dans un mail que nous nous sommes procurés. « Nous avons été contraints de prendre des mesures que nous n'aurions normalement pas dû prendre - dans l'unique but de protéger nos intérêts, écrit-il. L'une de ces mesures est l'ouverture d'une procédure de conciliation cette semaine, dont l'objectif est de trouver une solution à l'amiable pour faire face à la crise actuelle, par l'intermédiaire d'un conciliateur connu et compétent - ce qui n'a malheureusement pas pu être obtenu par les parties jusqu'à présent. Je tiens à préciser que la procédure de conciliation ne concerne pas notre solvabilité - il s'agit simplement d'une mesure visant à protéger nos intérêts et à trouver une solution entre toutes les parties, nous l'espérons. »
Une première réunion entre les trois parties ces prochains jours ?
Dans les faits, cette procédure est celle choisie par Mediapro, lorsque le groupe sino-espagnol s'est trouvé dans l'impossibilité d'honorer ses pharaoniques engagements (830 millions d'euros par an pour 80 % de la L1 et de la L2, entre 2020 et 2024).
Avec à l'arrivée, à la suite d'une longue négociation avec la LFP, la rupture du contrat en or censé faire la fortune de nos clubs. BeIN Sports a choisi cette solution pour être certain de ne pas payer la première échéance de 56 millions d'euros, prévue le 5 août, si Canal + ne respecte pas son contrat de sous-licence. Car en étant sous la protection du tribunal de commerce, les dettes sont immédiatement gelées...
Mais le diffuseur d'origine qatarienne s'imagine produire et diffuser les matches, sans régler l'échéance en attendant une sortie de crise. Une situation que Mediapro avait connue pendant plusieurs mois, la saison dernière, en se mettant également sous la protection du tribunal de commerce de Nanterre via une procédure de conciliation, avant de trouver un accord avec la LFP. Selon nos informations, l'administratrice judiciaire Hélène Bourbouloux a été choisie comme conciliatrice et une première réunion entre la Ligue, beIN Sports et Canal+ pourrait être organisée ces prochains jours.
En attendant, une nouvelle étape de cette guérilla judiciaire doit avoir lieu lundi. Très actif, beIN Sports a en effet assigné une nouvelle fois Canal + devant le tribunal de commerce de Nanterre en vue de faire exécuter le contrat de sous-licence, et une audience est prévue ce jour-là. Mercredi, on attend la décision d'une autre assignation : celle de la LFP contre.... beIN Sports, pour l'obliger à respecter son contrat et donc à payer le premier versement de 56 millions d'euros le 5 août.
Vous suivez ? Car ce n'est pas fini. Il y aura, le 9 novembre, la décision sur le fond du recours engagé par beIN Sports contre... la Ligue, afin d'essayer d'obtenir la remise en cause du lot 3.
Dans ce dossier devenu rocambolesque, on ne sait donc toujours pas, à une semaine de la reprise de la L1, qui va diffuser Troyes-PSG, samedi soir, ni Metz-Lille, dimanche après-midi. On ne sait pas non plus si les clubs français, au bord du gouffre pour une bonne partie d'entre eux après la faillite de Mediapro et les ravages de la crise sanitaire, vont pouvoir percevoir les sommes promises sur ce fameux lot 3.
https://www.lequipe.fr/Medias/Article/D ... ce/1274715