À l’impossible, nul n’est tenu, dit le dicton. Sauf Jafar Hilali. Après avoir maintes fois proclamé qu’il allait abandonner le statut pro, le président du RCS a demandé hier à le garder. Motif de ce revirement : l’offre de rachat formulée vendredi par un groupe européen. Il n’en a pas moins renoué le contact avec les autres candidats. Ubuesque !

Jacky Kientz, ici à droite en compagnie de l’ex-président Egon Gindorf qu’il représentait début 2010 dans le projet de rachat du RCS par un pool d’investisseurs alsaciens, négocie désormais pour un groupe européen. Mais n’est-il pas en train de se faire doubler par un Hilali qui a relancé hier ses concurrents ? Archives Dominique Gutekunst
Au Racing, la vérité du jour n’est jamais celle du lendemain. Encore moins depuis que Jafar Hilali en a pris la présidence. Hier, alors que tout l’environnement alsacien commençait à faire le deuil du professionnalisme à Strasbourg, un nouveau coup de théâtre est survenu en fin d’après-midi.
Le président londonien, qui avait maintes fois annoncé l’abandon du statut pro, a fait volte-face. Sur l’insistance de Jacky Kientz, l’ancien président du club (de 1990 à 1992), actuel vice-président du conseil de surveillance, l’homme d’affaires de la City a adressé à la LFP une demande de dérogation pour le garder une 2 e saison en National, comme le règlement l’autorise.
La veille, la Ligue avait indiqué que l’insaisissable président avait jusqu’à ce samedi soir pour lui transmettre cette requête. Ce samedi était en effet le 15 e jour suivant la fin du championnat National. Le dernier pour réclamer la dérogation, comme le stipulent les règlements de la LFP. Mais l’information était passée à la trappe dans nos colonnes, submergée par le flot de nouvelles publiées hier matin. D’autant plus vite d’ailleurs qu’après avoir repoussé l’offre de l’entrepreneur blodelsheimois Frédéric Sitterlé (1), Hilali semblait s’enfermer dans une entreprise de destruction, prêt à précipiter la mort du RCS par sa stratégie jusqu’au-boutiste.
Mais avec le président le plus incompréhensible que le football français ait jamais connu, une surprise n’est jamais à exclure. La journée d’hier l’a encore démontré. Quelques minutes après la publication d’un communiqué du maire Roland Ries qui taclait sévèrement Hilali, la nouvelle du maintien du statut pro est tombée dans les rédactions. Le motif de cet énième revirement de la « girouette » londonienne (2) ? Vendredi matin, un groupe européen, implanté en Allemagne, mais pas seulement, s’est déclaré et a déposé une offre. Il a expressément demandé la confidentialité sur son entrée dans la danse, alors que deux autres candidats, Frédéric Sitterlé et le Nancéien Jean-Claude Calisesi, discutaient eux aussi avec le propriétaire londonien.
« Pour une fois, Hilali m’a écouté »
Mandatés par leur mystérieux investisseur, l’avocat Arnaud Schmitt, basé à la fois au Luxembourg et sur Strasbourg, et l’ex-président Jacky Kientz (de 1990 à 1992), toujours vice-président du conseil de surveillance, ont convaincu Hilali d’envoyer à la Ligue la fameuse demande de dérogation. « J’ai réussi à le convaincre, oui », se réjouit Kientz. « Je ne peux pas en dire beaucoup plus, puisque je suis tenu par une clause de confidentialité, comme le sont d’ailleurs tous les acteurs de cette négociation, Jafar Hilali compris. Strasbourg garde le statut pro. C’était indispensable et c’est un soulagement. Pour une fois, J. Hilali m’a écouté. S’il l’avait fait plus souvent, nous n’en serions sûrement pas là. Si les discussions ne se passaient pas bien et si les garanties offertes par le groupe que je représente n’étaient pas sérieuses, Hilali n’aurait jamais demandé le maintien du professionnalisme. »
Qu’il l’ait fait constitue, selon Kientz, un signe tangible que les pourparlers sont bien engagés. « Nous ne sommes pas tout à fait d’accord. Mais ça devrait pouvoir se faire assez vite, dans le courant de la semaine probablement. Le groupe prendrait alors seul les commandes du Racing. »
Les prendra-t-il jamais un jour ? La question se pose ce matin avec d’autant plus d’acuité qu’au moment même où il était supposé être proche d’un accord avec Kientz et Schmitt, Hilali a relancé deux autres prétendants, Eric Gousset et Frédéric Sitterlé, pour leur soutirer une offre (voir ci-contre). De quoi jeter un gros doute sur l’avancée réelle de ses pourparlers avec le groupe européen. Et si, une fois de plus, le Londonien menait tout le monde en bateau ?
(1) Un rachat du club pour 1,6 million d’euros, plus deux bonus de 1 million en cas de remontée en Ligue 2 dans les deux ans, puis en Ligue 1 dans les quatre ans.
(2) Qui avait par exemple limogé son entraîneur Laurent Fournier le vendredi 21 janvier avant de le repêcher dans la nuit du samedi au dimanche, après une qualification du Racing en Coupe de France contre Evian-Thonon-Gaillard (1-0).
le 12/06/2011 à 00:00 par Stéphane Godin
Hilali relance Gousset et Sitterlé
Dans cet immense capharnaüm qu’est devenu le Racing depuis un an et demi, personne ne peut dire avec certitude comment tout va se terminer. Encore moins depuis qu’une nouvelle information est tombée tard hier. Une info qui interroge une fois de plus sur le jeu incohérent que joue Jafar Hilali en ces temps plus troublés que jamais.
L’incontrôlable président londonien a, hier après-midi, relancé Eric Gousset, l’un des trois acteurs, avec l’ancien Racingman José Cobos et l’ex-président de Monaco Jérôme de Bontin, d’un dossier de reprise qui avait jeté l’éponge jeudi. Jérôme de Bontin avait estimé, avec l’investisseur qu’il représentait, que les conditions d’un rachat n’étaient pas réunies et en avait informé le propriétaire du RCS.
Pourtant donc, alors que celui-ci est supposé négocier avec Jacky Kientz, l’avocat Arnaud Schmitt et le groupe européen dont ils sont les mandataires, il a eu le culot d’appeler un Eric Gousset joint par nos soins peu avant 22 h 30 et à l’évidence interloqué par le coup de fil de Hilali. « Je ne sais pas trop quoi dire. Mais puisque vous êtes au courant, oui, je vous confirme que Jafar Hilali m’a demandé de lui formuler une offre. Je suis resté sur la position qui a été la nôtre ces derniers jours. Notre investisseur a décidé de ne pas poursuivre les discussions et par conséquent de ne pas faire de proposition. Nous ne bougerons plus. Jérôme de Bontin a pris sa décision. Il gérait les considérations financières de notre dossier et a choisi de se retirer. José Cobos et moi nous sommes alignés, avec, évidemment, toute la déception et la frustration qui nous anime. Mais c’est définitif. »
Plus fort encore, Hilali, qui ne recule décidément devant rien, a recontacté Frédéric Sitterlé qu’il avait envoyé balader la veille. Là aussi, il a tenté de lui arracher une nouvelle proposition. En pure perte.
Ces manœuvres aussi discrètes que le passage d’un éléphant dans un magasin de porcelaine insinuent forcément le doute sur la nature réelle des tractations entre Hilali d’un côté, Kientz, Schmitt et leur investisseur de l’autre. Le Londonien continue à emprunter des chemins détournés qui ne mènent nulle part.
La Ville sceptique
Le timing choisi par Roland Ries pour publier un communiqué sévère à l’égard de Jafar Hilali et de sa gestion désastreuse du Racing était mal choisi. À peine avait-il été envoyé à la presse hier vers 19 h qu’il était déjà caduc. Tout juste bon à faire l’objet d’un classement vertical (1).
R. Ries indiquait notamment « qu’il serait particulièrement injuste que les décisions du président de la SASP, incompréhensibles et non expliquées (Ndlr : abandon du statut pro, volonté de ne pas équilibrer les comptes entraînant automatiquement une rétrogradation en CFA, dépôt de bilan début juillet, rejet de l’offre sérieuse de Frédéric Sitterlé) , pénalisent durablement le club, son association support et, plus généralement, le football professionnel à Strasbourg. » Il invitait les instances nationales du football, qu’il avait saisies, « à prendre acte que le président de la SASP a, au regard de ses dernières déclarations, failli dans ses responsabilités […] . »
Les incessants rebondissements de la soirée ont ensuite amené la municipalité à rester sur une prudente réserve et même à afficher une certaine perplexité. « La question est de savoir si nous sommes dans une bonne série à suspense ou une mauvaise comédie », lâche l’adjoint aux finances Alain Fontanel, désireux, comme tous les acteurs du dossier - excepté Hilali visiblement - que finisse au plus vite ce feuilleton sans queue ni tête. « Il est temps que le dernier épisode vienne nous le préciser. Je continue à espérer que le plus évident des deux ne sera pas confirmé. Il est évident que si le président du Racing nous demandait, pour un projet sérieux et avéré, de l’aider à lever ou accélérer le droit de préemption, nous irions dans ce sens. Un projet de reprise sérieux est forcément une bonne chose pour le club. Mais il faut juste qu’il soit vraiment sérieux. À cette condition, on l’accompagnera. Évidemment, après les derniers rebondissements, nous redevenons observateurs et même un peu plus que ça. Mais il est inutile d’en dire plus. Au Racing, une information peut devenir complètement caduque très vite. 24 heures, c’est très long. Il suffit de repenser à tout ce qui s’est passé entre vendredi matin et ce samedi soir. »
(1) Ce communiqué a été publié dans son intégralité hier sur www.lalsace.fr.
le 12/06/2011 à 00:00 par S.G.